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Perceval 3ème partie

Le clivage Lancelot/Perceval

Perceval 3ème partie - Le clivage Lancelot/Perceval

Sa reconquête du statut de chevalier du Graal va conduire Perceval à s’opposer à Lancelot, provoquant un clivage entre les deux personnages. D’un côté nous avons Lancelot, l’un des meilleurs chevaliers, qui sait mener des troupes, donner des ordres militaires et élaborer des stratégies. Il est considéré comme étant le bras droit d’Arthur. De l’autre nous avons Perceval, un chevalier modeste, qui ne connait rien de toutes ces choses mais qui agit avec cœur.

À plusieurs reprises on va les voir s’opposer : Lancelot va notamment rabaisser Perceval en lui rappelant qu’il n’est pas « chef de guerre » contrairement à lui(1). Lancelot tient à son statut de chevalier errant, il se vante d’avoir mener des aventures épiques, d’avoir effectuer des sauvetages de veuves et d’orphelines, tout ce qui peut apporter gloire, renommée et légende. En termes d’aventures, les deux personnages sont également fortement opposés. Dans L’Arche de Transport il est question de traverser un portail dimensionnel, une représentation moderne de ce que l’on pourrait qualifier de passage vers l’Autre Monde(2) : Lancelot refuse d’y aller, il ne part pas à l’Aventure « à l’aveuglette », Perceval lui n’hésite pas une seconde et ce, à plusieurs reprises dans la série.

On retrouve cette opposition entre les deux chevaliers également lors de la représentation de marionnettes où il est question de partir à la chasse au dragon : alors que Perceval propose de partir en quête avec Lancelot, celui-ci sort son épée pour le tuer(3). Prenons alors le temps de faire un parallèle avec la quatrième bande-dessinée intitulée Perceval et le Dragon d’Airain, où l’intrigue est exactement la même : alors qu’un village est terrorisé par la présence d’un dragon aux alentours, Arthur décide d’envoyer Lancelot sur place pour rétablir l’ordre. Celui-ci ne se laisse pas prier et part au grand galop vers la gloire, avec force de violence et de stratégie (il emporte même avec lui un engin de siège). De son côté Perceval se plaint de ne pas avoir été choisi, et part de son côté pour résoudre cette Quête, à sa manière. En effet, pour lui, les dragons ne sont pas dangereux, aussi, au contraire de Lancelot, il ne part pas en guerre. Laurent Guyénot a dit à propos du cortège du Graal : la lance qui saigne symbolise la violence chevaleresque qui fait régner la terreur et perd les âmes(4).

C’est exactement ce que représente Lancelot, ici avec l’engin de siège mais aussi ce que Perceval refuse d’être. Perceval prend le temps d’écouter le vieil homme, vieil ermite que l’on retrouve souvent dans la littérature arthurienne : Perceval le Gallois est à l’écoute des « faibles », les femmes, les enfants et les personnes âgées. Mais par-dessus tout, il résout la Quête et ce, d’une manière plus qu’équivoque.

C’est parce qu’il a choisi d’éliminer au niveau de la narration le thème de la vengeance que Chrétien de Troyes, a dépouillé la question de son objet, pour en faire le but même de la quête, ce n’est plus la réponse à la question qui compte, mais la question elle-même qui possède la vertu de guérir le Roi Pêcheur(5).

La question a été l’élément le plus important de la quête du Graal chez Chrétien de Troyes, et le fait que Perceval ne l’ait pas posée a entraîné l’échec de la Quête. Ici la question est posée par une petite fille, et c’est la réponse, donnée par Perceval, qui va résoudre la Quête. La petite fille demande : « Est-ce que les lézards ont des ailes ? », Perceval lui répondra négativement, ainsi le dragon récupère son bébé, et le village est sauvé. Il n’est pas anodin que la résolution de l’aventure passe par une question posée, et le fait que Perceval réussisse l’épreuve, alors que Lancelot échoue, va prouver qu’il est le vrai héros du Graal.

(1) Voir l’épisode 11, Le Message Codé – Livre II
(2) Voir l’épisode 28, L’Arche De Transport – Livre III
(3) Voir l’épisode 83, Pupi – Livre II
(4) La lance qui saigne, métatextes et hypertextes du Conte du Graal de Chrétien de Troyes par Guyenot Laurent, Honoré Champion, Paris, 2010, page 141
(5) Guyenot Laurent, Ibid, page 90

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